Publié par : youcefallioui | octobre 28, 2011

Agdud un roi

Cette histoire est de mon père… je me suis permis de la modifier un peu… car il s’est passé beaucoup de choses depuis que son soleil s’était définitivement couché.

Un pays, un roi et un peuple

Tamurt, agellid d yiwen wegdud

Agellid n yiwen wegdud ur neggwi isem

« Tout peuple oppressé secrète en lui la tyrannie qu’il subit »

Agdud yettwarzen d netta i’gheggan ssnasel !

Agdud yettili seddaw ugellid yuklal !

« Il était une fois deux amis de longues dates que seule l’amitié rassemblait. L’un était droit et honnête, l’autre était fourbe et malhonnête. Les gens ne manquaient pas de s’étonner qu’une amitié ait pu lier des hommes aussi différents. L’un s’habillait simplement et ne vivait que dans le respect ; l’autre portait des habits recherchés qu’il se payait grâce aux différents vols et larcins qu’il commettait. Ils décidèrent d’un commun accord de partir en voyage afin de découvrir d’autres pays. Un jour, ils arrivèrent dans un pays en effervescence qui venait de perdre son roi. Tous les habitants étaient rassemblés devant l’entrée de la cité et attendaient la venue de quelque étranger dont ils allaient faire leur nouveau souverain. Quand ils virent  les deux amis s’approcher, tous les regards se portèrent sur celui dont les habits étaient si beaux ! Alors sans plus attendre,  les gens du pays lâchèrent des colombes qui allèrent se poser sur les épaules de l’homme qu’ils avaient ainsi choisi. « Voleur il était, roi il est devenu ! » Criait le troubadour. On le fit taire et on le jeta en prison. Le compagnon de l’homme qui devint roi, décida de continuer sa route. Bien des années passèrent et après maintes pérégrinations, il finit par se dire : « Tiens, je retourne dans mon pays. Je profiterai du retour par rendre visite à mon ami qui est devenu roi… »

En entrant dans les limites de la contrée, il constata que les gens étaient tristes. Ils se regardaient à peine ; chacun bousculant l’autre avec sa charrette ou son chariot pour passer le premier ! Ceux qui étaient à cheval et à dos de mulets ne se gênaient pas pour bousculer ceux qui étaient à dos d’ânes ou à pied. Et tant pis aussi pour ceux dont les charrettes étaient petites, vieilles et vétustes !

Un homme qui semblait avoir perdu la raison regardait tout cela avec un air amusé et il criait à gorge déployée ! « La loi du plus fort s’installe dans les chemins et les routes. Pensez-vous que les plus forts font attention aux personnes âgées ? Que non ! Elles sont bousculées, insultées quand elles ne sont pas tout simplement dépouillées du  peu de biens ou d’argent qu’elles ont sur elles ! Pensez-vous que les femmes sont respectées comme avant ? Que non ! Elles  sont bridées comme des mules et sont maltraitées et subissent les violences et les injures ainsi que les vols de la part de jeunes voyous sans que personne n’intervienne ! La police ? Criait-il. La police fait la même chose : sitôt un voleur ou un voyou arrêté, il est libéré ! Parfois, Même quand le crime est en train de se commettre sous leurs yeux, les agents de l’ordre n’interviennent pas ! Mais, si des jeunes se levaient contre les injustices et les brimades, ceux-là étaient aussitôt arrêtés, battus, assassinés… Auparavant, ils disparaissaient pour toujours sans que sa famille ait à jamais de ses nouvelles ! »

« Autrefois, disait la vieille femme au voyageur, nous étions en paix et nous vivions dans la quiétude et à l’abri de l’Assemblée des Anciens. Personne n’aurait osé s’attaquer plus faible que lui, à une personne âgée et encore moins à une femme ou un handicapé.  Aujourd’hui, la violence s’abat sur le plus faible, sur la femme seule, sur le vieillard et le handicapé pourvu qu’ils aient quelques figues fraîches sur eux ou dans leur maison. Pour un pot d’huile d’olives ? Pour un bijou ou de l’or,  on vous tue, monsieur ! On entre chez vous, on vous ligote – de la corde dans la bouche, comme  dans les contes, les mauvais contes – on vous menace de révéler où vous avez caché votre argent, vos bijoux  ou votre or, si vous refusez, on vous torture jusqu’à ce que vous révéliez la cachette. Et si vous n’avez rien, on vous tue quand même ! Ne vous aventurez-pas surtout pas la nuit le long des routes si vous êtes à bord d’une belle charrette ! On vous l’enlèvera après vous avoir dépouillé. Et gare à vous si vous osez leur résister, vous serez battu jusqu’à ce que mort  s’ensuive !

Que font tous les jeunes ? Demanda encore notre ami voyageur ? Les jeunes ? Vous croyez que ce sont les jeunes d’autrefois qui allaient sagement au temple apprendre la bonne parole, la sagesse et le respect ? Mon fils, tu n’y es pas du tout ! Dit la vieille femme marquée au visage labouré par l’âge et les affres de la vie. Les jeunes aujourd’hui – sauf quelques discrets – sont détruits par le jeu et les champs de chanvres, de pavots et autres abacas. Chanvre et pavot dont tous les monuments sont remplis ! Ils sont aussi féroces que les voyous adultes ! Ils peuvent tuer père et mère pour quelques pièces d’argent ou d’or : surtout si vous revenez de quelque contrée lointaine et que vous arboriez une tenue qui fait de vous quelqu’un qui rentre au pays avec  quelque pécule et quelque belle charrette ! Vous voulez tout savoir ? Aujourd’hui, notre pays possède trois sortes de jeunes : « Les jeunes de l’indûment acquis » : ceux-là s’adonnent aux vices, à l’alcool et à la drogue et commettent vols avec violence et ne reculent devant rien, même devant d’horribles meurtres. « Les jeunes de l’indûment pensé » : ceux-là s’habillent de façon étrange – comme dans un pays très lointain que vous qui voyagez, connaissez peut-être. On m’a parlé de ce pays qui ne ressemble en rien au nôtre : ni par la langue, ni par les traditions, ni par les croyances. Ces jeunes qui s’habillent bizarrement, ils sentent bizarrement et ils portent des signes distinctifs dans l’étrangeté échappe à la vieille personne que je suis. Nous avons  bien heureusement encore les jeunes de la lumière qui portent en eux la sagesse des ancêtres autochtones. Ils ne sont pas nombreux – car leur bonté de cœur et leur intelligence leur a donné beaucoup d’indulgence pour supporter les autres. Ces jeunes-là pensent à la sauvegarde des valeurs ancestrales. Ils défendent vieilles, handicapés et orphelins. Sans eux, personne ne pourrait plus sortir de chez lui. Vous pouvez les reconnaître facilement : ils portent une lumière sur leur visage et leur sourire est pareil au chant des oiseaux. Mais ils ne sont pas aimés par « Les buissons épineux.» Quand ils sortent pour crier contre l’injustice, ils sont réprimés et massacrés à coups de sabres. Ce sont eux que vous voyez pendus le long des routes. Ils ont osé dire : « Non aux buissons épineux ! Oui aux fleurs des champs secouées par le vent doux et butinées par les abeilles sacrées des ancêtres autochtones ! »

En cours de route, il tombe sur un monsieur d’un certain âge avec une sacoche sous le bras : il comprit que c’était un maître, un enseignant. Il s’approcha de lui et lui dit : «  Je pense que vous êtes un enseignant… j’aimerai savoir comment vont vos élèves. »

L’enseignant, visiblement embêté par la question, finit par lui répondre : « Figurez-vous, monsieur, qu’autrefois nous avions les meilleurs élèves du pays… Aujourd’hui, nous avons les derniers élèves du pays. On n’enseigne plus, monsieur, on fait ce que l’on peut pour ne pas se faire insulter ou agresser physiquement. Vous connaissez les jeunes de maintenant : comme disait un sage qui a disparu il y a bien longtemps : « Beaucoup pissent en l’air car ils ne savent pas que leurs urines leur reviendront sur la figure ! »

Notre voyageur reprend : « Personne ne dit rien de tous malheurs et de toutes ces tribulations ? Que font ceux qui disent représenter le peuple et surtout cette jeunesse ? Ne disent-ils rien ? Ne peuvent-ils pas parcourir le pays et enseigner la bonne parole ; la parole sage, celle qui s’élève à l’unisson et qui met en garde le peuple contre tous ces maux et toute cette ignorance qui tue amour, bonheur et joie de  vivre ! ? » Et la fuite des hommes et des femmes d’honneur vers d’autres contrées prendra peut-être fin. Et ce champ finira peut-être par ne plus être morcelé en « Petit Champ » et « Grand Champ ». Car il est si petit ! Et nos voisins qui disposent de leurs terres (et des nôtres !) ne parlent – eux – que d’un « Champ uni appelé Oumma ». Les maux comme les champs sont cultivés par les mots !

L’enseignant : « La bonne parole !? On voit bien que vous venez de loin et que vous n’êtes pas d’ici ! « Nos Hauts-Parleurs ne parlent que pour eux ou pour faire dire au « Grande-Buisson- Epineux », que nous vivons en DEMOSTASIE. Chaque Haut-Parleur dit qu’il est le meilleur et que c’est l’autre qui a tort… pendant ce temps, vous voyez un pays qui s’écroule et un peuple sans espoir… Seuls « Les Hauts-Perroquets des monuments » se font entendre pour la grande joie de notre GRAND-BUISSON-EPINEUX ! Enfin, termina l’enseignant désabusé, il faut bien vivre et nous essayons de vivre d’une vie qui n’est pas loin de la mort comme tous ces « Grands Tableurs des tavernes » qui refont le monde : un monde où pousse le terreau de l’inconscience et de la bêtise. »

Notre voyageur n’en finit pas d’être étonné et de se soucier pour ce pays plus riche que jamais et dont le peuple – les gens, surtout les femmes, qui aspirent encore à un peu de lumière, car il y’en a… et bien plus que l’on pense de ces petites gens et de toutes ces femmes qui font encore attention à l’arbre qui fleurit et à la fleur qui bourgeonne pour que l’abeille continue de produire son miel précieux qui guérit de tant de maux, même de celui de la perte de la langue des ancêtres, une langue coupée parce qu’elle disait : « Un peuple ne sort de sa religiosité obscure et intolérante qu’à travers la culture et la sagesse que porte la langue des Anciens.»

Mais ose dire encore notre voyageur au sortir de ses pensées : « Et ce pays ? N’est-il pas « Le pays des Hommes-debout !? » Une femme qui passait par-là ; une femme normalement vêtue – un peu il a toujours vu sa grand-mère, sa mère, ses sœurs, ses tantes, ses nièces, ses cousines et, avant aussi, toutes les femmes de ce pays – lui répondre d’une voix lasse et triste… si triste à en mourir !

« Maintenant, mon frère, vous êtes au pays des Hommes-couchés. Ils n’osent plus se lever, sinon pour aller au café, pour d’autres pour écouter les Grands-perroquets, et pour d’autres encore pour applaudir « Les Hauts-parleurs ». »

Voilà tout ce que notre ami voyageur qui revenait de loin apprenait des petites gens et cette vieille qui voyait sa vie se terminait par des jours sombres et inquiétants. Il n’en revenait pas de ce qu’il entendait ici et là à mesure qu’il cheminait vers la ville où son ami avait son palais. En cours de route, il ne manqua pas d’être lui-même apostrophé avec véhémence par des gens douteux qui portaient des tenues d’un goût pathétique : « Nous sommes des agents du GRAND-BUISSON-EPINEUX, lui disent-ils, de quel pays êtes-vous et que venez-vous faire ici ? » Notre voyageur devait à chaque fois décliner son identité. Il n’était laissé tranquille qu’une fois que les agents des buissons épineux apprennent qu’il était lié à leur « GRAND-BUISSON-EPINEUX ».

Chemin faisant, quelques jours après, quand il s’approchait de la cité, il voyait des pendus accrochés aux arbres. Tant de jeunes pendus, il avait du mal à croire ses yeux ! Ce sont donc tous des jeunes qui cherchaient la lumière qui se sont tués ainsi ? Mais comment ont-ils pu avoir le courage de renoncer à la vie ? Leur vie était-elle vraiment une vie ou un enfer dont ils voulaient se délivrer devant l’indifférence des adultes et du GRAND-BUISSON-EPINEUX ! Leur mort était une délivrance : d’une nuit noire, ils plongeaient tout à coup dans le monde de l’indifférence, où la souffrance n’a jamais osé pénétrer. Il rêvait d’un monde meilleur, d’un monde des lumières ; mais de cauchemars en cauchemars, ils n’ont plus voulu se réveiller : car à chaque réveil le cauchemar devenait encore plus effroyable et plus insoutenable ! Oh ! Ils ne réveillaient pas d’impossible tous ces jeunes garçons et toutes ces jeunes filles ! Que non ! Leur rêve était tout simple, comme celui de tous les enfants du monde : se tenir simplement la main et voir le soleil se coucher à l’horizon après une journée d’automne qui n’a pas quitté le printemps. Car pour les jeunes, cela devrait être tous les jours le printemps ! Leur rêve était simple : ils ne demandaient qu’un peu de lumière dans leurs cœurs et dans leurs âmes !

Il le sut en regardant leur visage sans vie mais que la lumière n’avait toujours pas quitté. Certains étaient trop jeunes, ils sortaient de l’enfance. Des larmes coulaient de ses yeux, pendant que son regard se posa sur quelques-uns uns d’entre eux : des enfants, de tous jeunes enfants ! Des filles et des garçons qui ne voulaient que vivre dans la joie et le rêve de se tenir la main en marchant librement par les routes les chemins… infestés par les grandes charrettes de petits rentiers imbéciles et véhéments.

Sur la pancarte, que l’un d’eux avait accroché sur lui avant d’aller dans ce monde – où la souffrance n’a plus le droit d’y entrer – sinon par le cœur des parents et des amis qui sont restés – « Ainsi meurent les jeunes dans un pays pathétique gouverné par la bêtise et l’ignorance. »

Un vieil homme  s’approcha et lui dit : «  Vous devez être un étranger pour pleurer ainsi. Car ici, plus personne ne pleure les autres. Chacun ne s’occupe de sa propre personne. Nous vivons dans un pays pathétique où règne un « BUISSON-EPINEUX à mille têtes »! »

« Un roi à mille têtes ? » S’exclama notre voyageur.  « Oui, répondit, le vieil homme, beaucoup de têtes qui tuent nos valeurs, nos traditions et notre peuple à petit feu… Voyez toutes ces tours qui auraient servi à construire le bonheur et la joie de nos enfants !

« Que sont devenus tous vos sages ? «  Demanda encore notre voyageur. Le vieil homme répondit : « Beaucoup sont morts… beaucoup sont en train de mourir. Quant aux autres, ils s’occupent d’eux-mêmes et ne s’occupent plus du bien de la cité… Ils restent quelques-uns uns qui nous parlent de « Comitys » ou Komcity », je ne sais plus, mon fils ; car nous, nous disions autre chose : vous savez dans cette langue des Anciens dont les mots sont doux et protecteurs des veuves, des orphelins et des femmes seules. »

Notre voyageur osa encore demander alors que le vieil homme baissa déjà la tête et continua tristement son chemin en maugréant : « Je me souviens de Mohand Amokrane Ou-Flane qui disait : « Une cité qui ne protège pas les siens et une cité qui s’écroule dans le fumier ». : « Et tous les autres alors ? »

« Les autres ! S’exclama le vieil homme, avant de continuer : « Vous les avez vus sur leurs charrettes ! Si vous n’avez pas un cheval ou un mulet robuste, ils vous bousculent ; et si vous ne vous mettez par de côté, ils vous écrasent ! Avec des « conducteurs de charrettes pareils », « Le buisson épineux à mille têtes » sait qu’il peut compter sur eux pour continuer à régner en toute quiétude… C’est pour cela qu’il y a de plus en plus de charrettes sur les chemins… Tant que les conducteurs de charrettes se comporteront ainsi, « Le buisson épineux à mille têtes sait qu’il peut régner tranquille ! C’est sur « Les-conducteurs-de-charrettes » et « Les jeunes-de l’indûment-acquis » ainsi que  « Les jeunes-de -’indûment-pensé » que « Le buisson épineux à mille têtes » compte pour gouverner le pays dans l’ignorance et la violence. »

Notre voyageur continua sa route songeur et inquiet. Comment des « conducteurs de charrettes » peuvent-ils ainsi donner toute l’assurance aux « GRAND-BUISSON-EPINEUX » de faire ce qu’il veut de son peuple ? Il avait du mal à réaliser que l’on pouvait semer autant de violence et d’ignorance rien qu’en multipliant les charrettes sur les routes !

Quelques jours après, il finit par atteindre la ville où son compagnon de voyage avait son palais. Il voulut d’abord visiter la ville – la capitale du royaume – avant de se diriger vers le grand palais. Des charrettes partout ! Des conducteurs de charrettes, féroces et criant de plus en plus fort ! Les routes étaient étrangement sales : des ordures partout. On aurait dit que « Le GRAND-BUISSON-EPINEUX » faisait exprès de multiplier charrettes et ordures ! Et oui, il finit par comprendre que pour instaurer la violence, la bêtise et l’ignorance, il fallait trois choses essentielles : des charrettes, du chanvre, des ordures et des monuments ! Et puis, beaucoup beaucoup d’argent ! Car les Grands Argentiers construisent les monuments et les temps pour se garantir une place au paradis ! Ne riez pas ! Ceci est la vérité vraie de la vérité !  Sortie d’où ? Ah ! C’est une autre histoire que seule notre ami voyageur a fini par apprendre et qu’il n’ose pas encore raconter !

Il a juste compris ceci : Dans un pays où sévit la violence et l’ignorance, la liberté de chacun tue la liberté de tous !

Pendant ce temps, le vieil homme, que notre voyageur avait dérangé, continue de parler, d’expliquer à ce nouveau-venu qui comprend tout mais qui se pose quand-même des questions ! Toujours des questions alors qu’il suffisait de regarder autour de soi, d’écouter pour comprendre la ruine d’un pays et la détresse de tout un peuple !

« Vous comprenez maintenant comment ceux qui possédaient des charrettes se sentaient libres, car toutes les routes étaient à eux ! Ceux qui jetaient les ordures étaient libres, car tous les environnements étaient à eux ; ceux qui fréquentaient les monuments et les temps étaient plus libres encore :  car tout leur appartenait : les chemins, les routes, l’environnement et même le ciel ! Seuls eux pouvaient voler comme volent les oiseaux (et les voleurs !) Car leurs paroles n’ont pas de prix ! »

Notre ami voyageur continua sa route embrumée par ses pensées sombres et inquiétantes.

Soudain, comme s’il revenait d’un mauvais songe, une jeune fille apparut au coin de la rue : les cheveux au vent, la jupe courte, les genoux bronzés et mielleux ; et un joli sac sur les épaules… dénudées ! Comment !?

Il n’en croyait pas ses yeux ! Que faire ? L’arrêter et lui poser la question qui lui brûlait les lèvres ? « Tant pis ! Se dit-il, j’y vais ! »

« Bonjour mademoiselle ! » La salua-t-il timidement. Elle le regarda franchement dans les yeux et lui répondit : « Bonjour monsieur ! Que puis-je faire pour vous ? »

« Je veux juste que vous me rassuriez en répondant à une question. »

« Je vous écoute, monsieur », lui dit-elle, dans un large sourire.

« Je ne vois que « Buissons épineux » et « Nuages sombres », j’ai du mal à croire que vous arriviez à vous balader si librement entre eux en toute quiétude, alors que les nuages menacent et que le tonnerre gronde… Tant d’orages et tant de tempêtes sous un ciel si sombre, si noir… Tous ces jeunes pendus ; tous ces conducteurs de charrettes inconscients et insultants qui vont tous dans le même sens alors qu’il manque un sens essentiel : « LE SENS CIVIQUE »… Toutes ces femmes qui vont en silence comme l’on va aux enterrements !?  N’avez-vous pas peur, jeune fille !!??

La jeune fille lui répondit : « La liberté, monsieur, ne saurait être cachée ni pas le ciel sombre et noir ; elle ne pourra être écorchée ni par « les buissons épineux », ni mouillée par « les orages sombres, violents et menaçants et encore moins par des charrettes de quelques pauvres ignares ». La liberté sort quand elle veut, comme elle veut et où elle veut ! C’est au moment où « Les buissons épineux » grands et petits, intimidants et baignant dans l’ignorance, croient qu’ils l’ont tuée qu’elle renaît de plus belle : c’est dans les récits des Anciens ! Quant aux conducteurs de charrettes qui rendent les routes tels des chemins épineux et les orduriers qui rendent l’environnement immonde et irrespirable, ils ne durent que l’espace qu’un arbre se met à avoir des racines. Je suis les racines de la liberté. Et cet arbre, monsieur, cet arbre aux racines de la liberté, on aura beau le couper, il repoussera encore et encore ! Il protègera à jamais la terre des autochtones, des ancêtres. »

Notre voyageur osa encore une question ; il est vrai qu’elle semblait tellement pressée. « Elle doit courir vers quelque amoureux », pensa notre ami en souriant. Non loin de là, il vit la mer… Une barque sur la berge et un jeune homme… Il sut que ces deux-là avaient décidé non pas de se pendre mais d’aller chercher leur liberté au loin… Savent-ils seulement les dangers de la mer ? Mais quel danger peut dépasser ce qu’ils vivent dans ce  pays ? Mourir libres est une grâce pour ceux qui vivent enchaînés !

Notre voyageur n’eut pas le temps de revenir de sa surprise que la jeune fille disparut à l’autre coin de la rue. Il courait vers son compagnon qui l’attendait sur la plage. Elle courait en chantant : « Liberté et l’amour ! Liberté et l’amour ! Liberté et l’amour ! »

Il savait bien qu’elle ne l’entendait plus, mais notre ami voyageur cria de toutes ses forces : « La liberté et l’amour, oui ! Mais quand et comment ? »

Il entendit alors une autre voix sourde et grave mais empreinte de sérénité et de jeunesse derrière lui qui lui dit : « La liberté, mon fils, quand ce les gens de ce pays respecteront la terre. Quand les gens de ce pays planteront les arbres, sèmeront le blé et l’orge ; cultiveront les fleurs, prendront soin des sources, des rivières et des fleuves. Quand ils écouteront enfin chanter les oiseaux… Alors seulement le respect et la tolérance seront entre eux… Alors seulement chacun pensera à dire les mots justes, les mots de sucre et de miel qui pansent les blessures. Et l’autre deviendra précieux et le bien public deviendra aussi précieux que le printemps (tafsut) qui remplit de sa douceur cette terre qui souffre bien plus des méfaits et de l’ignorance de son peuple que des dards de la canicule !

Peu de temps après, il arriva au palais. Il finit par être introduit auprès de son ami, de longue date et de longue route, devenu « Grand Buisson Epineux ». Une fois en face à lui, il ne put manquer de lui faire les reproches qui lui démangeaient l’esprit, la raison et la tête : « Ce pays est devenu pathétique et vit une véritable tragédie ! Le peuple est malheureux ! Les petites gens souffrent ! L’école est délaissée ! Les routes sont devenues de véritables champs de bataille ! Plus personne n’est à l’abri d’exactions de toutes sortes, même les personnes âgées, les femmes, les enfants et les handicapés ! Et puis, tous ces jeunes qui se pendent n’importe comment…Tous ces jeunes qui ne rêvent que prendre la mer… Tous ces jeunes qui ne rêvent plus et qui veulent rêver… Leur rêve est une chimère et ils parlent à sa recherche… car tu n’as pas su le leur donner ; tu n’as pas su les protéger et leur donner la joie, l’amour et le bonheur qu’ils recherchent et qu’ils sont en droit de revendiquer. Tant de barbarie me remplit d’effroi ! Comment peux-tu transformer un si beau pays en contrée délabrée et dévastée et sans âme ? Comment peux-tu traiter un peuple aussi admirable dont la langue et la culture viennent de la nuite des temps ? Un peuple qui a fait de toi son roi !!?? »

Son ancien compagnon devenu « GRAND-BUISSON-EPINEUX » lui répondit en souriant comme si de rien n’était : « Ils n’ont que ce qu’ils méritent ! Si ce peuple était si admirable, comme tu dis,  il t’aurait choisi toi ! Un peuple a toujours le roi qu’il mérite ! »

Le pays se meurt et s’écroule et l’ignorance ensevelie la vie.

Tamurt tenger, tsax s_wadda, tasegla tekka-d i tudert s-ufella !

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