Publié par : youcefallioui | octobre 28, 2011

Amazighité .. et sa majesté

Amazighité…  

Ou quand un bonheur n’arrive jamais seul !

Pendant que les Berbères (Imazighen) de l’Ile de France et notamment ceux  de la Seine St Denis se préparaient à l’inauguration de « La maison de la culture berbère de Drancy », sa majesté le roi du Maroc Mohammed VI annonçait le même jour (la veille de cette inauguration : le 17 juin 2011), dans un discours télévisé, une réforme constitutionnelle qui désignera la langue berbère (l’amazigh) comme langue officielle au Maroc à côté de l’arabe[1].

Dans la matinée du 18 juin 2011, les Imazighen de la ville de Drancy inauguraient ce grand centre entièrement dédié à la culture berbère. D’une superficie de 700m², la maison de la culture berbère de Drancy accueillera sept jour sur sept de nombreuses activités culturelles et artistiques : cours de langue berbère, musique, chant, théâtre, expositions, conférences sur la langue, la culture et l’histoire des Imazighen. Ce centre sera aussi un lieu de rencontres et de débats entre toutes les générations des Berbères – Imazighen – de l’Ile de France et de la Seine St Denis. 

Il va sans dire que cet événement a pris une dimension inattendue et historique grâce au discours télévisé de Mohammed VI. Pour beaucoup d’Imazighen présents à l’inauguration de la première maison de la culture berbère en France, c’est « un bon signe ». A un discours historique – qui met en avant l’officialisation prochaine  de la langue amazighe – correspond l’ouverture d’un lieu exceptionnel de rencontre qui permettra le développement et la mise en valeur d’activités culturelles et linguistiques berbères.

Mustapha SAADI, Conseiller régional d’Ile-de-France, a coupé le ruban de cette inauguration ce matin du 18 juin en présence du député-maire de Drancy, Jean-Christophe Lagarde.

Mustapha SAADI n’a pas manqué de saluer le courage et l’ouverture dont ont fait preuve les hommes et les femmes politiques – et notamment monsieur le député-maire de Drancy – pour permettre la naissance de cette première maison de la culture berbère en France. Un centre culturel important et hautement symbolique qui a fini par voir le jour grâce non seulement aux subventions de la ville de Drancy et du conseil régional, mais aussi et surtout à la volonté politique (et démocratique) de donner aux Berbères un espace culturel où ils pourront enfin se réunir et s’exprimer librement autour de multiples activités culturelles enrichissantes et profitables pour tous.

Enfin le roi du Maroc et quelques hommes politiques français commencent à comprendre que la culture et la langue berbères sont une richesse humaine millénaire – qui vient de la nuit des temps –  qu’il faut sauvegarder et développer et non pas « une sorte de monstruosité ou de scandale ».

Dans son allocution, le député-maire de Drancy, Jean-Christophe Lagarde n’a pas manqué de faire un lien entre le discours télévisé de sa majesté le roi Mohammed VI et l’inauguration de cette maison qui est destinée à la valorisation de tous les pans de la culture amazighe.

Beaucoup d’artistes (dont Kamel Hemadi), d’écrivains et de cadres berbères de tous les horizons n’ont pas manqué le rendez-vous. Après les discours et le buffet, comme les Berbères ont l’habitude de faire, le sérieux et la joie ont continué de rythmer cette première réunion qui a vu plusieurs centaines d’hommes, de femmes et d’enfants venir fêter « leur maison » (tasga-nsen) en exprimant haut et fort leur bonheur.  

Comment ne pas ressentir un bonheur sans faille devant l’orchestre de jeunes musiciens qui maîtrisent et la musique et la langue maternelle amazighe kabyle ? Comment ne pas éprouver une grande émotion quand ces mêmes jeunes entonnent de façon grave et solennelle les chants du rebelle, Matoub Lounès ?

L’observateur que je suis allait d’étonnement en étonnement. J’ai aimé cette chorale mixte où hommes et femmes berbères « d’un certain âge » joignaient leurs cordes vocales et leur joie à celles des plus jeunes pour nous rappeler les chants de nos mères et des nos grands-mères en passant par ceux du grand maître Chérif Kheddam.

Et toutes ces femmes kabyles aux youyous qui fusent – qui me rappellent ma mère et mes sœurs – aux robes et aux foulards kabyles flamboyants ? Quelles  voix sublimes douces et mélodieuses ! Quelle maîtrise du chant et de la danse ! Quelle décence et quelle fierté !

Ô combien j’aime les miens ! Ô combien ils me remplissent de bien-être, quand ils me surprennent par leur gentillesse, leurs rires francs qui portent au loin ; leurs paroles respectueuses, leurs savoirs en tout genre, leur intelligence et surtout leur modestie !    

Et ce chef d’orchestre au visage rayonnant qui, par la magie de sa maîtrise du chant et de la musique, a fait chanter et danser toute l’assistance, où chacun pouvait donner de la voix comme jamais peut-être, il n’avait eu l’occasion de le faire.

Je n’étais probablement pas le seul à attendre que les femmes et les jeunes filles kabyles se mettent à danser sous les youyous de leurs aînées. Je n’ai pas pu m’empêcher, l’espace d’un instant, de me voir transporter loin là-bas – vers cette Kabylie et cette terre berbère – qui m’a vu naître. Et quand je m’étais confié à ma voisine la plus immédiate (Khokha), elle me répondit en riant : « C’est étrange, je ressent justement la même chose ; le même bonheur de partager ces instants précieux avec les nôtres ! »

Ma grand-mère avait l’habitude de dire que lorsque les Kabyles faisaient quelque chose, c’est toujours avec cette idée première de chercher le meilleur d’eux-mêmes : la lumière bienfaisante qui brille en chacun d’eux. Ils sont conscients de communier. De cette communion qui prépare un avenir meilleur pour notre langue et notre culture. De cette communion qui fait de chaque jour qui passe une sorte de tissage entre les Berbères de France et d’ailleurs.

C’est sans doute cette lumière – qui signifie en kabyle « savoir », « respect », « démocratie », « amour », « sagesse » et « liberté » – qui continue encore de briller en moi depuis que j’ai quitté « cette maison berbère » qui a permis à plusieurs centaines des miens de se rencontrer, d’échanger, de chanter, de danser et de parler de l’avenir de leur langue comme si, tout semblait enfin, à porter de mains (de demain).

Pendant que je discutais avec Mustapha SAADI – qui me sert fraternellement de chauffeur à chaque fois que mon état de santé ne me permet pas d’utiliser mon véhicule – je ne pouvais m’empêcher de penser, en paraphrasant le chanteur kabyle Idir, que la maison berbère restera à jamais debout ! Que le peuple berbère restera vivant à jamais !

Le peuple amazighe a ceci de particulier : tout en cultivant le sens de l’honneur, il reste à jamais attaché aux valeurs des lumières que sont la démocratie, le respect de soi et des autres et l’amour du savoir et de la liberté.  

A chaque fois que je participe de près ou de loin à un événement important qui se produit dans la vie des Imazighen, le souvenir de mon père ne manque jamais de surgir. Souvenir qui me fait rappeler ces quelques paroles de lui : « Le destin des berbères est pareille à une lourde poutre : pour pouvoir la porter, il faut sans cesse la tailler pour la rendre plus légère ».

En quittant mon ami Mustapha SAADI, je me sentais tout à coup plus confiant, plus serein, plus heureux, plus léger.

Paris, le 18 juin 2011 – 18 heures.

Centre culturel franco-berbère
37 boulevard Paul Vaillant Couturier – 93700 Drancy

[1] Un référendum aura lieu le 1er juillet 2011.

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