Meilleurs vœux 2011…
d’un ancien clandestin !
Hier, une amie m’a fait le reproche de n’avoir rien écrit pour l’année 2011. Je me suis rappelé les années noires où j’étais un clandestin…
Un souvenir intense m’habite encore, celui d’une jeune fille française qui m’avait secouru un jour de décembre alors que j’étais malade de faim et de froid…
Pour vous et à travers vous et la jeune fille que vous étiez et qui m’avez tendu la main :
Je souhaite aux miens et aux gens de bonne volonté – animés par la « compassion de Dieu » et les sentiments d’humanité, une bonne et heureuse année 2011.
Que les clandestins et les migrants qui ont quitté leur pays, leur terre et ceux qui leur sont chers – dont les visages et les cœurs sont empreints d’angoisse et que l’on pourchasse comme des criminels ! – rencontrent de nobles cœurs qui vous ressemblent afin qu’ils soient aidés et secourus comme vous l’aviez fait avec moi, il y a bien des années… alors que j’étais, comme eux, à la recherche du chemin de la liberté et non pas « un vulgaire et dangereux clandestin » qu’il faut pourchasser comme une bête au pays des droits de l’homme !
A vous dont j’ignore encore le nom, je vous souhaite tout le bonheur du monde. A vous et les vôtres et tous ceux et celles qui vous ressemblent, merci ne suffit pas.
Les larmes aux yeux, je m’incline respectueusement devant votre grâce et votre doux souvenir.
Votre souvenir demeure en moi comme une ode d’indignation contre le sort et les mauvais traitements que l’on inflige aujourd’hui aux étrangers, aux migrants et aux clandestins.
Je me revois sans cesse et toujours 35 ans en arrière à la station de métro « Bonne Nouvelle ». C’était une journée bien froide, glaciale du mois de décembre.
Je ne sais pas si vous vous rappelez encore de moi, il y a si longtemps…
Il y a bien plus de 35 ans.
Mais moi je ne vous ai jamais oubliée. Chaque hiver, avec son lot de froid et de clandestins qui dorment dehors, je vous revois encore plus fort. Ma mémoire a du mal à contenir le flot de souvenirs qui affluent comme un torrent dont le fleuve et la rivière en crue sont contenus par la grâce de votre sourire et de votre beau visage.
Depuis ce jour-là, depuis ce jour glacial du mois de décembre… où je me suis mis à l’abri à l’entrée de la station de métro « Bonne Nouvelle ».
Je cherchais des yeux une âme charitable chez quelque passant.
Que d’indifférence ! Que de regards fuyants et méprisants !
C’est donc tout ce qui reste de ce beau pays de France !? Quelle tristesse ! Quelle désolation !! Il n’y a donc plus de compassion, de pitié, de charité chrétienne !?
Compassion ? Pitié ? Charité chrétienne ? Quelle différence ?
Grâce à vous, je me suis rappelé que dans ma culture ces expressions se rejoignent et finissent par ne plus faire qu’une : en kabyle, on parle alors de la « compassion de Dieu » (Lhenna r_Rebbi) qui animent les êtres humains, « les justes » et « les indignés » qui vous ressemblent.
Pour tout vous dire, je n’en veux point aux racistes français – dans la culture kabyle, on dit : « C’est tout ce qu’ils savent car ils ignorent tout de l’autre. » J’en veux davantage aux dictateurs maghrébins et africains (et ceux du monde entier) qui poussent des hommes et des femmes, animés par le grand souffle de la liberté, à quitter leur pays – où le ciel est pourtant bien plus beau – vers des cieux moins cléments, voire chargés d’orages violents et de jours bien sombres. Combien d’étrangers j’ai reçus dans le cadre de mon travail et qui me disent la mort dans l’âme : »Voyez-vous monsieur, ce qui me fait bien mal et me blesse, c’est quand un « Méchant-Français-Raciste » passe et qu’il vérifie en palpant ses poches… Il signifie par là que je suis un voleur ; et il vérifie si rien ne lui manque. Ceci passe encore ; le pire c’est quand il crache sur mon passage ! Voyez-vous, dans ces moments-là, je fais des efforts surhumains pour me contrôler et ne pas lui faire mordre la poussière ! Je me revois alors chez moi, dans mon pays, entouré des miens… Ce n’est pas le pain qui me manquait, mais quelque chose que le « Méchant-Français-Raciste » considère si peu : la justice et la liberté… D’ailleurs,le « Méchant-Français-Raciste » est souvent d’origine étrangère… »
Je ne puis m’empêcher de repenser au droit kabyle qui fait de l’étranger une personne au statut sacré qu’il fallait protéger même au risque de sa vie. Le droit d’asile lui était accordé sans aucune condition. Le droit d’asile lui était accordé dès qu’il en exprimait le désir auprès de n’importe quelle personne qu’il a envie d’aborder en premier, fût-il un enfant ! Le droit kabyle stipule : « Toute personne qui a été obligé d’abandonner son pays, sa famille et ses biens dispose d’un droit d’asile (Anaya/laânaya) sans condition ni question. Toute personne qui enfreindrait ce droit d’asile encourt les châtiments suivants : « destruction de sa maison, expropriation de ses biens et bannissement de la cité ».
Mon grand-père me racontait l’histoire de cet Espagnol qui s’était échappé des geôles turques et s’était enfui en Kabylie où il demanda asile à un village qui portait le nom de Iger-Oussennane (Tiggoura – Vallée de la Soummam). Le militaires turcs le suivirent jusqu’à ce village où ils demandèrent à ce que cet Espagnol leur soit livré… Le chef turc mit en avant que c’était un chrétien, « un infidèle » auquel les Kabyles (musulmans) ne devraient pas accorder le droit d’asile (laânaya). Le Mezwer (le Majoral) du village répondit au chef turc que le droit d’asile kabyle est sacré et ne dépendait pas de la religion mais du droit laïc de la cité (Asqif naγ lqanun asnarexsi n yiγrem) qui tient de la noblesse de sentiments humains qui rappellent en chaque personne « le visage de Dieu » (Udem r_Rebbi) ! Mais les Turcs ne l’entendaient pas de cette oreille…
Le village livra bataille aux troupes turques et défendit l’Espagnol jusqu’à ce qu’il reçut des renforts des confédérations kabyles voisines… L’Espagnol demeura dans le village jusqu’à sa mort… Une fontaine de la confédération portait le nom de « Fontaine de l’Espagnol » (Tala Uspenyul) ; un endroit où les villageois kabyles livrèrent bataille aux troupes turques. »
Et au pays des droits de l’homme… où les hommes n’ont pas les mêmes droits à plus forte raison s’ils sont des étrangers… Etranges étrangers, toujours en danger, que viennent-il faire ici ? Mais manger ! Manger le pain des Français !… Mais beaucoup de ces étrangers sont des Boulangers !!
A l’heure où la haine et le mépris de l’autre reviennent. A l’heure où les extrêmes se complaisent dans leur bêtise, une voix frêle et belle s’élève pour dire : Halte à la haine et à l’ignorance et l’obscurantisme…
Où l’on agite le foulard noir du fascisme… contre les étrangers. Ceux qui l’agitent sont souvent étrangers eux-mêmes à cette terre de France… L’aliéné ne traîne-t-il pas comme un boulet sa propre aliénation ? Que dire de tous ces étrangers – en mal d’altérité – et de tous ces Maghrébins et de tous ces noirs qui supportent le Front National (par leur conduite, sous prétexte de déplaire aux racistes !) ?
Mais on n’oublie souvent de dire que ces Maghrébins et ces Africains sont des Français et non pas des étrangers. Leur éducation et leur comportement sont générés et provoqués par ce pays où ils sont nés – qui les a marginalisés – et où ils vivront à jamais… Les jeunes qui arrivent d’Afrique et d’Afrique du Nord ont une conduite exemplaire et irréprochable, car ils ont reçu une éducation africaine et non pas « française ».
Que dirent de ces Bretons qui cultivent la haine au lieu de cultiver leur langue et leur culture qui est en voie(x) de disparition ?
J’imagine souvent ce qu’auraient donné tous les efforts d’un certain Lepen s’il les avait consacrés à l’une des oeuvres les plus belles de l’Humanité : « L’amour et la défense de la culture et de la langue de son pays d’origine : La Belle Bretagne.
Ma grand-mère aurait dit : « Lui, passe encore, c’est un homme ! Et sa fille ! Une femme doit porter en elle l’amour et non pas ce qui tue la vie… La femme n’est vraiment l’égale de l’homme que si elle s’écarte et qu’elle combat les dérives de ce dernier… ».
Pourtant, cultiver l’amour de son prochain – et ce d’où qu’il vienne – est beaucoup plus facile que de cultiver la haine ! Comme disait toujours ma grand-mère : « L’on ne voit chez l’autre que ce que l’on cultive chez soi et dans son coeur ! »
Quelle triste vie que de passer son temps à cultiver la haine de l’autre !
Le racisme et la haine sont bien plus dangereux pour les Français eux-mêmes que pour les étrangers.
A tout bien considérer, l’histoire a montré ô combien de fois que le racisme et le fascisme sont beaucoup plus dangereux pour ceux qui s’en croient à l’abri… L’exemple d’Hitler et celui des collaborateurs français sont encore là pour tenir les Français – dignes de ce nom – éveillés… et INDIGNES !
« Indignez-vous ! » – Aux éditions les Indigènes.
Vous vous étiez indignée, il y a déjà plus de 35 ans
Je pense même bien avant
Mademoiselle, VOUS étiez bien en avance,
Sur ce beau pays de France !!
Où l’on chasse encore les étrangers
Les migrants et les clandestins.
Pour reprendre la formule consacrée des mères kabyles : « Que Dieu vous ouvre toutes les portes, vous protège et vous garde – vous et les vôtres – de tout ce qui blesse !
Que la lumière des justes éclaire le chemin de votre vie ! »
Qu’est devenu le clandestin que vous aviez secouru ?
Depuis près de 30 ans, je me consacre en qualité d’enseignant, de sociologue et puis de psychologue à aider des Français en difficulté. Des milliers d’autres étrangers et notamment Algériens font la même chose que moi chaque jour qui brille sur cette terre de France. Je crois fermement à ce que je fais ; et je suis sûr que beaucoup d’autres anciens clandestins rendent bien plus de services à la France et aux Français que ceux et celles qui brandissent l’étendard du racisme et du rejet de l’étranger ; qui vendent du vent et de la haine ! Qui soufflent le vent de la haine sur ce pays qui a d’abord besoin (comme tous les pays du monde) de respect de l’autre et de fraternité. L’étranger apporte tellement de choses, de chaleur et de noblesse de sentiments, (comme, par exemple, le respect des personnes âgées) à la France. Cet apport devient considérable lorsque l’on songe aux apports faits à la culture et à la langue françaises par les Africains. La France vit grâce à sa langue et sa langue vit grâce à l’Afrique francophone et notamment l’Afrique du Nord qui porte haut les couleurs linguistiques de ce pays.
Que serait donc la France sans cette devise inscrite au fronton de tous les Etablissements publics et notamment des écoles qui forment les Français de demain : « Liberté, Egalité, Fraternité » ? Elle serait pauvre et dénuée de sens et d’intérêt.
Certains se sont ingéniés à rajouté « Identité » ; cela rime… mais mal avec les valeurs de ce pays dont le président de la République actuel est d’origine étrangère…
Un dicton kabyle dit : « Je vois dans les yeux de l’étranger tout ce qui me manque et qui complète l’être humain que je suis ».
Pour une France plus heureuse et plus souriante… Indignez-vous ! Aimer l’autre, respecter l’autre, c’est s’aimer et se respecter soi-même. Sourire à l’autre, c’est sourire à la vie et selon la formule encore chère aux Kabyles » Donner de la lumière au chemin de sa vie. »
Je termine enfin par une autre pensée, un dicton (toujours kabyle) qui dit :
« Un pays qui ne respecte pas l’étranger est une contrée qui sombre dans la barbarie ». On ne peut mesurer la démocratie d’un pays qu’à l’aune du respect qu’elle témoigne vis à vis de l’étranger…
Cet étrange étranger qui a fait la France de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité.
PS : Bien avant le débat sur l’identité, je reçois un jour un Iranien) qui finit par me dire : « Vous savez, monsieur, ce n’est plus la France de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité, MAIS LA FRANCE DE LA CARTE D’IDENTITE. »
On voit que les étrangers sont souvent en avance sur ceux qui gouvernent ce pays en agitant les vieux démons du racisme et du rejet de l’autre.
C’est dire que l’étranger est bien l’avenir de la France !
Merci pour ce « petit rappel » (à propos des clandestins)…qui serait encore bien utile à bon nombre de personne…!!!
Merci…
By: Auvage Céline on février 26, 2012
at 6:59
Chère madame et amie,
C’est moi qui vous remercie pour cet encouragement. Venu d’une dame de France,
cela me fait toujours chaud au coeur et me rappelle que c’est une dame comme
vous qui m’avait donné la force de lutter contre l’intolérance et le racisme
(déployés à l’époque par « le genre guéant » qui s’appelait Poniatowski)
de me persuader que je suis un homme libre et qu’en tant que tel, je suis libre de choisir
malgré les racistes – qui ont vite oublié qu’ils sont venus de beaucoup plus loin que le
Kabyle. Le « Petit Kabyle » que je suis, dont le grand-père avait aidé à la construction de ce pays dès
1886 en participant à la construction du métro parisien. Il est vrai qu’à l’époque, il
fut ramené de force comme esclave de sa Kabylie natale (de cette partie de la Kabylie
que les généraux barbares français avaient dénommée « la Petite Kabylie », pour leur avoir
farouchement résister).
La guerre finie et l’école dite française nous a permis (fort heureusement) d’apprendre qu’il
existait une autre France : celle qui rayonne sur le monde grâce à sa culture et au respect du genre humain :
votre France, chère madame !
Pour vous et toutes celles et ceux qui m’ont fait aimé la France des lumières et des droits
de l’Homme, je n’ai jamais cessé d’aider celles et ceux que j’ai rencontrés sur ma route et
qui en ressentaient le besoin.
Pour vous et cette jeune fille de France – dont j’emporterai à jamais
le noble et beau visage avec ceux des miens – Je vous dis toute ma gratitude.
Respectueusement à vous. Votre obligé (et son obligé à jamais).
By: youcefallioui on février 28, 2012
at 11:58