Publié par : youcefallioui | juillet 23, 2015

Silence ! On continue de massacrer des Berbères à Gardhaïa (Tagherdaït ) !

Pour la mémoire et le désarroi du peuple amazigh du Mzab : At Waâvan.

DU DRAME DE GHARDAÏA ET DES TUERIES SUBIES PAR NOS FRERES IMAZIGHEN – Berbères – DU MZAB (At Waâvan)

Rien de ce qui arrive comme violence contre les Berbères (Imazighen) n’est étranger à leur langue et leur culture. C’est donc leur identité qui est à chaque fois visée comme porteuse de leurs malheurs causés par les autres, les Berbères arabisés dits « les Arabes ».

La substance d’un peuple, ce sont les mots portés par sa langue maternelle. Le dicton rifain est là pour nous tenir éveillés : « Le mot (de tamazight) c’est le sang » (Awal d-idamen). Si un prétendu anthropologue déclare que les Chaambas ne sont pas des Arabes mais des Berbères, il oublie de dire que le référent anthropologique et social d’une ethnie, voire d’un peuple, c’est la langue. Quand une personne ou une partie d’un peuple perd sa langue, il la délaisse forcément au profit d’une autre langue… Et c’est cette autre langue qui dicte sa pensée et ses comportements de rejet de ceux qui continuent d’utiliser la langue qu’il avait perdue…

Tout est langue… Psychologiquement nous pouvons expliquer l’arabisation des Berbères par cette image : « Une langue est comme une peau d’un individu… Quand celui-ci la perd – perd donc sa peau – il est obligé, ou il a été obligé de s’entourer d’une autre peau. Une fois dans cette autre peau – dans cette autre langue – deux cas peuvent se présenter : soit la peau est plus grande, alors il y a du jeu : ce qui lui permet de réfléchir pour en sortir afin de se remettre dans la sienne ou faire tout pour la défendre et défendre ceux qui la portent encore. L’autre cas est celui où la peau est plus petite que sa peau originelle : alors, il se retrouve coincé dans un espace restreint où il ne peut plus bouger. Sa nouvelle peau l’étouffe au point d’attiser en lui des idées meurtrières. Soit il fait un effort surhumain pour retrouver sa première peau[1]. C’est une entreprise difficile ! C’est pour cela que dans la presque[2] totalité des cas, c’est l’étouffement qui s’impose à celui et celle qui ont perdu leur peau, leur langue d’origine. Il en est ainsi de la majorité des Berbères arabisés dont certains vouent une véritable haine vis-à-vis de leurs frères amazighophones ! La réactance au niveau de l’inconscient est la suivante : « Vous détenez ce que moi j’ai perdu, pense intérieurement l’aliéné linguistique… Et les conséquences sont souvent dramatiques… comme on le voit à travers les tristes et terribles événements, la tragédie qui touchent nos frères amazighs du Mzab (At Waâvan).

Nous sommes face d’une pensée négatrice et meurtrière de tout ce qui peut représenter la berbérité ou l’amazighité. Dans beaucoup de textes oraux, la pensée amazighe révèle les fondements d’une situation d’oppression face à l’arabisme . Cette situation – qui baigne dans l’ambiguïté – révèle une pensée qui met au grand jour une situation d’oppression que vivent les Berbères où qu’ils soient en Afrique du Nord, c’est-à-dire sur la terre de leurs ancêtres. Cette situation d’oppression interne est dangereuse de par sa perversion car trop visible pour être vue, comme dans le cas de la tyrannie qui pèse sur les Imazighen aujourd’hui qui ne peuvent prétendre à vivre en paix sur leur terre.

Tant que les Algériens avaient en face d’eux l’ennemi colonial français, les choses étaient doublement claires. Claires, parce que l’ennemi est extérieur ; encore plus claire, ce fut les Berbères – aussi bien au Maroc qu’en Algérie – qui combattirent âprement l’ancienne puissance colonisatrice. Un fait tout à fait singulier qui mérite d’être souligné au passage : à l’époque où les Kabyles faisaient face à l’armada française, il était courant d’entendre à partir de la Tunisie des émissions en Kabyle ! C’est dire que nous n’échappons à ce référent absolu qu’est le référent linguistique. Il ne s’agit donc ici ne de pétrole ni de gaz de schiste qui ne sont que des éléments « secondaires » et j’oserai dire « stochastiques ». L’explication est ailleurs. C’est un leurre que de présenter les choses seulement sur le plan économique même si il y a effectivement des éléments socioéconomiques qui peuvent expliquer en partie les événements tragiques que vivent les At Waâvan. Quand des enfants kabyles se font assassinés à l’arme de guerre, il n’était question ni de pétrole ni de gaz. Nous voyons bien que le critère de référence ou « de différence qui tue » (J. Gabel) est absolument sociolinguistique et culturelle. Il n’y avait pas de pétrole à Tizi Ouzou, mais de la poésie ancienne kabyle… Il n’y avait pas non plus de gaz de schiste en Kabylie quand 126 jeunes furent massacrés à l’arme de guerre par la gendarmerie algérienne.

Rappelons quelques aphorismes propres à la société amazighe en générale et à celle des At Waâvan – dits Mozabites – en particulier.

Le peuple berbère Mozabite a construit une société rigoureuse fondée sur l’effort. La société Mozabite est une société active, très bien organisée et industrieuse dont les membres ne connnaissent pas le chômage.

Comme toutes les autres sociétés berbères, elle tire sa stabilité de son essor économique et culturel. C’est une stabilité qui est indispensable à toute la société algérienne. Nos frères « Arabes d’Algérie » – je veux dire les arabophones – devraient s’en inspirer au lieu de vouloir détruire cette société organisée, très active et soucieuse du bien-être de chacun de ses citoyens. C’est en partie ce constat qui saute aux yeux des populations arabes qui alimentent une sorte de jalousie maladive à l’encontre d’une société berbère dont leurs ancêtres faisaient partie juste avant qu’ils ne fussent totalement arabisés au point d’oublier qu’eux aussi sont d’essence et de culture amazighes.

L’Etat algérien est évidemment celui qui porte toutes les fautes des troubles que vivent les citoyens algériens de quelque région qu’ils soient. Cette inconscience oligarchique peut mettre en danger – si l’Etat n’y met pas fin rapidement – tout le pays. Tous les ingrédients politiques internationaux montrent que les pays orientaux arabo-islamiques tels que l’Arabie Séoudite, le Qatar et autres « petits mauvais génies pétroliers » cherchent à nuire à l’Algérie. Rien de ce qui peut venir de ces pays nuisibles et inconstructifs ne peut faire le bonheur de notre pays qui a construit son identité et ses valeurs sur un combat libérateur qui sert encore de référence aux peuples oppressés et brimés, au monde entier.

L’Algérie des Lumières gagnerait à prendre ses distances vis-à-vis des pays parasites tels que les pays que nous venons de citer. Une sourde haine les habitent dès qu’il s’agit de l’Algérie. Et leur dessein est celui de nuire à notre pays et à notre peuple dont ils veulent restituer – comme à l’époque de l’invasion arabe – les guerres entre les Imazighen et les Arabes. Ils connaissent bien l’histoire de notre pays… Et rien de ce qui nous touche ne les laissent indifférents… Seule l’instabilité et, à long terme, l’écroulement de l’Algérie leur importe. Ils étalent leur toile d’araignée comme ils le font au Maroc, notamment dans le Figuig. Ils ne sont assurément pas étrangers aux prêches racistes et incendiaires de certains imams arabes qui contrôlent pour eux une grande partie – sinon la majeure partie – de la vie spirituelle et religieuse algérienne.

On ne peut s’étonner alors que les chaînes de télévision séoudiennes et arabo-orientales s’égosillent en boucle sur « Le conflit entre les Arabes et les Berbères ». Certes, les journalistes séoudiens et qattaris mettent le doigt là où cela fait mal : la blessure amazighe à l’intérieur de laquelle ils se plaisent à remuer leurs couteaux ! Mais à qui la faute ? Sinon aux hommes politiques algériens et à l’oligarchie irresponsable algérienne qui nourrit le pays de corruption et de réification à tous les stades de la société. Que dire d’un Ouyahia – Kabyle de service par excellence – qui continue de vivre et de soutenir ceux-là mêmes qui travaillent à la ruine de l’Algérie.

Il va de soi – avant que l’on ne me taxe de naïf – qu’il existe également des Berbères – et notamment des Kabyles, je viens d’en citer un ! – qui, loin de porter secours à leurs frères, se conduisent de façon honteuse pour ne pas dire ignominieuse vis-à-vis des leurs. Comme l’écrivait si bien l’éminent linguistique kabyle Salem CHAKER : « Etre Berbère est d’abord un problème de conscience ». Lorsqu’on n’en est dépourvu, on a beau parler berbère ou kabyle, la honte de soi résonne d’un silence assourdissant quand il ne s’agit pas d’un soutien honteux (comme celui de l’ancien premier ministre Ouyahia, Kabyle de son état aliénant voire réifiant, quand il se complait dans des déclarations (anda ybecc weghyul ad yernu gma-s) de soutien au gouvernement algérien qui observe une inertie maladive dés que l’on massacre des Algériens, sous prétexte qu’ils sont Berbères, Amazighs.

Il en était ainsi des Kabyles massacrés périodiquement quand les différents régimes algériens entraient en crise ; il en est également ainsi quand ces mêmes régimes cautionnaient le massacre des Touaregs pour sauvegarder les intérêts économiques (uranium et autres minerais ) de la puissance coloniale qu’est la France. L’épouvantail terroriste est alors brandi pour endormir les masses qui se soucient peu des ces « rebelles touaregs » qui ne font que défendre leur terre. « Rebelles » ? Cela ne vous rappelle rien ! Nous étions taxés également de qualificatifs identiques – « rebelles » – quand la France coloniale détruisait nos maisons dans les montagnes kabyles… Que monsieur Ouyahia sache que la maison parentale où j’ai vu le jour est toujours en ruines… détruite en 1957, à la suite du Congrès de la Soummam (L’Acte fondateur de l’Algérie indépendante).

Cette tyrannie était donc « visible » tant qu’il s’agissait du colonialisme français… Aujourd’hui, l’Arabie Séoudite s’ingère dans la destinée des pays du Maghreb comme si elle refaisait à elle seule l’invasion arabe à laquelle firent face Aksel dit Koceila et Damia Dihya dite encore « La Kahina ».

Et chaque jour durant, la télévision séoudienne (Iqraa) se fait l’écho de cette bataille entre les Berbères et les Arabes. Mais, cette même télévision oublie de dire que les Mozabites sont agressés sur leur terre et dans leur maison par des Arabes venus de l’extérieur, installés là pour des raisons évidentes : arabiser la population amazighe. Cette installation des Arabes dans des villes qui surplombent souvent les cités berbères, on la voie partout en Kabylie et notamment à Tizi Ouzou et à Bgayet (Bougie).

Le plus douloureux dans toute cette histoire c’est de voir des Algériens tuer d’autres Algériens. Quelle plus grande faillite pouvait-il arriver à un régime que celle-ci !? Le plus douloureux, c’est de voir les Séoudiens et autres petits pays arabes orientaux s’imposer à un peuple que le monde qualifiait de farouche et fier combattant de la liberté !

Il me revient à la mémoire cette grande phrase de l’écrivain berbère marocain Mohamed KHEIREDDINE : « Etre soumis par plus vile que soi ! » (in Le déterreur).

Mon grand-père Mohand accueillant un invité arabophone : « Dans notre fédération se parle une langue particulière, celle de vos ancêtres ».

Et son invité arabe de lui répondre : « Je suis venu chez vous pour entendre le son de cette langue des ancêtres que moi et les miens avions perdue… Je remercie le peuple kabyle d’avoir su préserver ce trésor… ».

J’avais découvert le Mzab et plus particulièrement Ghardaïa et les cités qui l’entourent pendant mon service militaire. J’étais agréablement surpris par cette organisation qui aurait donné ses lettres de noblesse à toute l’Algérie, si le régime était un tant soit peu soucieux d’un développement endogène et harmonieux… Un ami me disait : « Chez eux, point de chômage ! Point de fioriture ! Car la cité est chevillée aux traditions millénaires ! » Ce peuple vaillant et travailleur a su transformer une terre désertique en un petit paradis ! Je doute qu’il y ait beaucoup de société capable de réaliser de telles prouesses face au désert.

Je le compris davantage lorsque les Mozabites (At Waâvan) organisèrent durant le mois de juillet 1992

« Le premier colloque international pour la langue amazighe ».

Nous fûmes plusieurs dizaines de chercheurs à faire partie de la délégation. Quelle ne fut notre surprise quand nous découvrîmes qu’ils avaient construit un hôtel pour nous accueillir ! Je me demande si le régime algérien n’a pas gardé en tête cet acte militant ! Car, voir des policiers algériens tirer encore sur d’autres Algériens, c’est entrer dans une situation inextricable et tragique que seule la folie d’un régime, soutenu par une oligarchie inconsciente et corrompue, peut expliquer.

Et ces maisons détruites ! Comme au temps de la colonisation ! Et ces jeunes abattus, comme au temps de la colonisation ! La raison fuit là où la violence détruit tout ce qui peut rappeler cette Algérie des Lumières chère aux Anciens Kabyles qui ont lutté tant et tant pour qu’elle recouvre sa liberté !

Et les ruines des maisons de mes frères Mozabites réveillent en moi un sentiment que je suis incapable de définir : il me rappelle les années de guerre d’Algérie où notre maison fut détruite et que nous allions de village en village en qualité de réfugiés ! Le paradoxe ne s’arrête – hélas ! – pas là. Bientôt des partisans de la lutte pour la liberté du Mzab et l’arrêt de la barbarie que subit la population sur sa terre vont venir grossir les rangs des réfugiés politiques en France comme le firent bon nombre de combattants kabyles quand, à la tête de Boumediène, l’armée des frontières massacra les derniers survivants kabyles qui ont tenu la dragée haute aux parachutistes français.

Nous ne pouvons échapper au référent absolu qu’est la langue. On dit souvent que Boumediène était Berbère de Kabylie (les biens-pensants et autres imbéciles utilisent l’expression coloniale, chère à Bugeaud, de « Petite Kabylie ». Je suis tenté de leur répondre et les autres, ils sont de quelle Kabylie ?

Oui, Boumediène était un Kabyle arabisé ! Un Kabyle dont, pourtant, l’illustre famille – At Oukherroub – se distingua par sa participation à l’insurrection kabyle de 1871 contre le colonialisme français ! C’est pour fuir les atrocités imposées aux Kabyles que sa famille s’installa dans la région arabophone.

La haine de soi n’est pas propre aux Berbères arabisés. Pour ne citer qu’un exemple qui nous donne toute la dimension de ce dernier stade de l’aliénation linguistique qu’est la réification : Staline – d’origine géorgienne – avait massacré près de quinze millions de Géorgiens !

Alors, faut-il encore donner des preuves linguistiques et culturelles à la barbarie et à la tyrannie qui frappent nos frères du Mzab ?

Le grand poète kabyle Lewnis Aït Menguellat a déjà maintes fois analysé ce problème de la réification à travers ses grandioses créations poétiques où la formule allégorique, à laquelle il nous a habitués, permet de tout expliquer : « C’est dans le cerveau de l’autochtone que le remède réside ! » Ainsi pensent ceux qui veulent exterminer les Imazighen !

Les anciens Kabyles disaient : « La haine de soi n’est pas palpable. Elle est semblable à la nuit noire qui tombe sur tout peuple qui oublie ses racines au point de vouloir les déraciner… Mais l’arbre de vie n’est pas facile à abattre ; ses racines sont si profondes dans la terre qu’elles résistent à toutes les tempêtes avant de remplir de nouveau ses branches des mêmes fruits qui nourrissent les enfants… »

Relisons Boualem Sansal : « Le zèle poussa certains à se croire plus authentiques que les vrais, ils détruisirent tout ce qui pouvaient rappeler leurs origines et leurs croyances passées. Il en est ainsi, le reniement ce qu’on a été est le premier acte de foi [3]».

[1] Pendant mon service militaire, j’ai connu de camarade totalement arabisé qui avait appris tamazight au bout de quelques mois !

[2] Cet euphémisme s’impose en pensant au grand Kateb Yacine et au non moins grand Slimane Ben Aïssa qui scandait : I-nâal bbu li ma yhebbnac !.

[3] Boualem SANSAL, Petite éloge de la mémoire, Gallimard, p. 86.

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