Publié par : youcefallioui | juillet 30, 2015

DE LA LANGUE MATERNELLE – L’aliénation linguistique selon les anciens Kabyles

LE MYTHE DE LA LANGUE MATERNELLE

IZRI N TMESLAYT TAYEMMATT

 Ceci est un mythe… Ecoutez et soyez heureux !

 Que la langue de vos ancêtres vous protège et vous guérisse de tous les maux ! Que la langue de votre mère vous rappelle à jamais ce que vous aviez appris dès le berceau ! Vous avez la clé de tous les trésors, et qu’à jamais l’ignorance et la bêtise ne viennent à pénétrer votre conscience et votre cœur !

 1 – Il était une fois une cité kabyle qui s’appelait Azrou-Gzem. C’était une grande cité où les gens vivaient dans le bonheur et la paix. Comme toutes les cités kabyles, celle-ci avait son Assemblée, sa maison des passagers, son temple, ses grandes fontaines, ses beaux jardins, mais aussi son fou – plutôt un simple d’esprit – qui amusait les enfants et qui s’appelait Hemmou. Un fou pas méchant, que les enfants aimaient beaucoup car il leur racontait plein d’histoires. Nous parlons d’une époque lointaine où les enfants, les jeunes et les grands, les adultes et les vieux croyaient aux histoires. Les sages d’antan disaient : « Une nuit passée sans histoire est pareille au jour fermé sur l’avenir. »

Un jour d’hiver, un jour parmi les jours du Souverain Suprême, le fou quitta le village et s’absenta pendant plusieurs semaines. Quand il fut de retour, les enfants l’accueillirent avec ferveur et grande joie. L’un d’eux lui dit alors : « Hemmou, où étais-tu parti pendant toutes ces semaines ? » Le fou esquissa un sourire avant de répondre d’un air solennel et mystérieux : « Je suis allé au paradis ! »

Un autre enfant lui demanda alors : « Pourquoi étais-tu parti au paradis, ne sommes-nous pas heureux dans notre village ? »

Le fou continua de sourire et répondit : « Ecoutez-moi bien les enfants, je vais vous dire quelque chose de très important. Ce pourquoi je suis allé au paradis. Savez-vous que juste à la sortie du village, en bas du ravin couvert par le brouillard, il y a la porte du paradis ? »

Un autre garçon lui dit encore : « Hemmou, dis-nous, c’est quoi le paradis ? »

Le fou réfléchit un instant et bégaya : « Le paradis ? Heuu… Et bien le paradis, c’est un grand jardin où les enfants peuvent faire et manger tout ce qu’ils veulent. Il y a même des oranges en été, des figues et du raisin en hiver ! ! »

Les enfants s’exclamèrent en chœur : « Des figues et du raisin, en hiver !!? Comment pouvons-nous y aller ? »

 Le fou sentit son emprise sur les enfants. Il sourit et leur répondit : « Pour y aller, c’est tout simple : il suffit de sauter du haut de la falaise et vous tomberez juste en face de la porte du paradis ! »

 Aussitôt, tous les enfants se levèrent et coururent vers le ravin en poussant des cris de joie. Arrivés au bord de la falaise, dans un même élan, ils sautèrent tous ensemble. Quelque temps après, quand le fou arriva sur les lieux, il ne put que constater la puissance de son pouvoir. Il en était très fier !

 2 – Le soir venu, chaque mère s’inquiétait de ne pas voir rentrer ses enfants. Elles sortirent vers l’aire de jeux du village. Elles ne trouvèrent personne ! Elles ne trouvèrent aucune trace des enfants. Aussitôt, l’alerte fut donnée. Tous les gens du village se mirent à organiser la recherche. Ils ne trouvèrent aucun enfant. Le crieur public parcourut les ruelles du village pour informer tous les gens du village qu’une Assemblée extraordinaire allait se tenir très vite. Tout le monde y était convié. Pendant qu’ils tenaient conseil à l’Assemblée, un oiseau, un coucou, se posa sur le mur et se mit à chanter : « Coucou ! Coucou ! Demandez au fou ! Coucou ! Coucou ! Demandez au fou ! »

 Les gens se tournèrent vers le fou. Dans leur regard, une seule question : « Qu’étaient-ils advenus des enfants ? » Ce dernier leur raconta en riant comment les enfants avaient couru vers le ravin avant de s’y jeter.

Le président de l’Assemblée de la cité lui demanda : « Pourquoi ont-ils sauté ? »

Le fou lui répondit : « Je leur avais dit que là-bas se trouvait le paradis où ils pourraient manger des figues et du raisin même en hiver. »

L’Assemblée décida de le condamner à la peine capitale. Une vieille sage se leva et dit : « Il ne faut pas qu’il meure, dit-elle, c’est sa langue, et non sa tête, qui est responsable de la mort des enfants. Il faut donc lui couper la langue ! »

L’Assemblée s’inclina devant la décision de la vieille femme. Ils attrapèrent le fou. Ils le forcèrent à ouvrir la bouche et ils lui coupèrent la langue. Il poussa un cri vers son Créateur, de sa bouche coulait le sang. Il partit en courant devant lui jusqu’à la falaise d’où s’étaient précipités les enfants et se jeta lui aussi dans le vide.

Alors un tremblement de terre coupa en deux le plateau sur lequel était bâtie la cité. Beaucoup de maisons s’écroulèrent et beaucoup de gens moururent. Les rescapés décidèrent alors d’abandonner le village et de partir vers d’autres pays. Chacun prit ce qu’il put prendre et quitta la cité. Mais les pays étrangers étaient très durs et hostiles. Nulle part, ils ne furent les bienvenus. Nulle part, ils ne purent bénéficier du droit d’asile. Pensez-vous que quelqu’un les ait accueillis !? Pensez-vous que quelqu’un se soucia de savoir s’ils avaient faim ou froid ! ? Ils ne rencontrèrent que regards de travers et propos acerbes ! Certains d’entre eux furent même dépouillés du peu qu’ils avaient sur eux ! Nulle colline, nul horizon ne leur offrit un abri. Beaucoup d’entre eux moururent de froid et de faim. Mais ceux qui moururent de chagrin étaient encore plus nombreux !

3 – Des jours, des mois et des saisons passèrent. Un jour de printemps, seule la vieille qui avait décidé de la sentence à infliger au fou revint au village. Dans sa sagesse, elle disait : « Mourir pour mourir, autant mourir chez soi ! »

Quand elle entra dans la cité, elle entendit des voix d’enfants qui venaient de l’aire de jeux. Tout en décidant d’aller voir, elle se croyait devenue folle. Mais arrivée sur le plateau, elle vit bien les enfants en train de jouer, seuls. Tous les enfants étaient là : les plus sages comme les plus turbulents.

Elle s’approcha doucement d’eux et leur dit : « Vous êtes revenus les enfants, vous n’êtes pas morts !? »

Les enfants répondirent en chœur : « Oui, grand-mère, nous sommes tous revenus, nous ne sommes pas morts ! »

Elle leur demanda encore : « Et le fou, où est-il, lui ? »

Les enfants lui répondirent : « Lui, il ne pourra jamais revenir ! »

Alors la vieille leur demanda : « Et pourquoi ne peut-il pas revenir, lui ? »

Les enfants lui répondirent encore : « Parce que lui, il avait perdu sa langue ! »

C’est un mythe, soyez heureux !

Je l’ai dit la nuit, la lumière va le démêler,

Je l’ai conté au jeune noble, le rocher a ri et pleuré,

Je l’ai conté au clair de lune, le vent l’a essaimé !

 La protection du mythe est pareille à celle du lion !

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El Watan – 30 juillet 2015

Les baâthistes et les islamo-conservateurs partent à nouveau en croisade contre la ministre de l’Education nationale, Nouria Benghebrit.

Ayant déjà déversé leur haine sur elle dès sa nomination, ils reviennent à la charge, cette fois-ci, en prétextant «une menace sur la langue arabe», dont ils s’autoproclament défenseurs attitrés.

Pour cela, ils saisissent au vol une proposition sur l’introduction des langues maternelles dans l’enseignement primaire, faite à l’occasion de la conférence nationale sur l’évaluation de la réforme de l’éducation, tenue au début de la semaine à Alger.

Cette mesure, proposée par des pédagogues et des spécialistes, porte sur l’introduction graduelle de la langue maternelle dans l’enseignement primaire afin de permettre aux élèves d’avoir une meilleure intégration dans le système éducatif.

Ce qui est considéré par ce courant islamo-conservateur comme «une manière déguisée de briser l’enseignement de la langue arabe classique en Algérie». De ce fait, il enclenche la bataille idéologique qui a miné le système éducatif algérien durant les années 1970 et 1980.

Et pour cela, ce courant a actionné ses relais médiatiques et politiques afin de s’attaquer directement à la personne de la ministre de l’Education, qualifiée une nouvelle fois de «juive» et d’«ennemi de cette langue arabe».

Loin de tout débat basé sur des approches scientifiques et linguistiques qui régissent la question de l’enseignement des langues et sans se référer aux expériences internationales en la matière, les représentants de ce courant hostile à toute évolution positive de la société ont déjà affiché leur refus de cette décision.

A travers les journaux et les chaînes de télévision qui leur sont proches et en utilisant les réseaux sociaux, de nombreux «idéologues et dépositaires» autoproclamés de la langue arabe demandent l’annulation de la «mesure».

Le premier à lever les boucliers contre cette mesure est l’Association des oulémas qui, selon certains titres de la presse nationale, «demande au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et à la ministre de l’Education nationale, Nouria Benghebrit, d’annuler cette décision qui constitue un précédent grave dans l’histoire de l’enseignement en Algérie».

Le gouvernement soutiendra-t-il la ministre ?

Pour sa part, le responsable de l’Association pour la défense de la langue arabe, Ahmed Benaamane, met à nouveau en avant sa thèse de «la langue officielle unique en Algérie qui ne devrait être que la langue arabe, alors que la dardja et les autres langues parlées ne devraient pas avoir le même statut».

Les partis islamistes saisissent aussi cette occasion pour tirer à boulets rouges sur la ministre de l’Education, en usant parfois un langage odieux. C’est le cas du député du parti FJD de Abdallah Djaballah, Lakhdar Benkhallaf, qui n’a pas hésité à s’en prendre à Mme Benghebrit en adoptant un langage qui frise l’insulte à l’égard de la ministre, pour la simple raison qu’il la considère comme une francophone ou une «francophile».

La même posture est affichée par le chargé de communication du mouvement Ennahda, Mohamed Hadibi. Sur sa page facebook, ce dernier estime que «les tenants du pouvoir livrent leur bataille contre la langue arabe», avant de poster une photo de la ministre de l’Education frappée d’une croix et d’une mention «dégage !».

La mobilisation des islamistes a eu lieu même à l’intérieur de l’APN où le groupe parlementaire de l’Alliance de l’Algérie verte (AAV) a également dénoncé, dans un communiqué, cette mesure.

Ce courant rétrograde se sent visiblement renforcé, notamment depuis sa «victoire» face à l’ancien ministre du Commerce sur la question de la vente d’alcool et le ministère de la Justice en bloquant le projet de loi contre les violences faites aux femmes. Sa force, il la tire essentiellement de la faiblesse du pouvoir qui prête le flanc, en jouant sur le populisme, à ce courant.

Et l’intervention du Premier ministre pour bloquer la mesure de Benyounès en est une preuve. Abdelmalek Sellal va-t-il, cette fois-ci, soutenir Mme Benghebrit ?

Madjid Makedhi (El Watan, 30/07/2015)

La ministre de l’Education nationale, Nouria Benghebrit, se déclare «surprise» de la polémique suscitée par la proposition d’introduire la langue dialectale dans l’enseignement primaire.

L’introduction de la langue dialectale dans le cycle primaire suscite la polémique. Qu’en est-il au juste ?

Il faut préciser que l’introduction de la langue dialectale dans l’enseignement n’est pas encore décidée. Cette mesure fait partie des 200 recommandations élaborées par plusieurs groupes de travail, mis en place lors de la conférence nationale sur l’éducation, qui s’est tenue à Alger le week-end dernier.

De celles-ci nous avons tiré quelques actions à soumettre au gouvernement en septembre prochain, pour être mises en place durant l’année scolaire 2015-2016. Il s’agit de mesures pédagogiques qui permettront d’améliorer la qualité de l’enseignement et surtout l’apprentissage, dont l’outil est la langue.

S’il y a un taux d’échec dans le cycle primaire, c’est parce qu’il y a un problème dans la transmission du savoir. Nous ne voulons pas faire uniquement le diagnostic de l’enseignement, mais aussi les actions à mener à court et moyen termes pour améliorer la situation.

Raison pour laquelle nous avons organisé une rencontre de trois jours, à Laghouat, regroupant les proviseurs, les inspecteurs, les chefs d’établissement, les conseillers pédagogiques de dix wilayas du sud du pays, à laquelle j’ai pris part avec l’ensemble du staff du ministère, soit près de 150 participants.

L’objectif est d’abord d’exprimer notre insatisfaction quant aux résultats assez faibles que ces wilayas ont enregistrés, mais surtout de réfléchir ensemble à des mesures pour améliorer les résultats l’année prochaine.

C’est vous dire que nous ne voulons pas rester passifs face à cette situation. Une rencontre similaire regroupera dix autres wilayas des Hauts-Plateaux à Alger, les 2 et 3 août prochain.

L’introduction du dialecte dans l’enseignement primaire sera-t-il à l’ordre du jour à la prochaine rentrée scolaire ?

D’abord, je tiens à souligner que cette recommandation est née d’un débat très riche lors des travaux en plénière de la conférence nationale, ainsi que des ateliers techniques. Les spécialistes étaient unanimes à dire que l’apprentissage chez les enfants repose sur la langue maternelle.

En l’utilisant dans l’enseignement, expliquent les spécialistes en neurosciences, on développe une partie importante du cerveau. Ils disent également que pour augmenter les capacités linguistiques des enfants, il faut s’appuyer sur les langues maternelles. Il y a consensus autour de cette question.

Ce qui est important pour nous, c’est d’intégrer ces éléments et d’aller plus loin, dans le but d’améliorer l’apprentissage de la langue arabe. Dans les régions berbérophones, par exemple, nous avons constaté que les échecs touchent surtout les enfants qui arrivent à l’école sans passer par le préscolaire.

Cette étape est primordiale parce qu’elle permet d’habituer l’enfant à la langue arabe, de le familiariser avec elle et de lui permettre d’être plus réceptif une fois à l’école. La langue maternelle n’est qu’un outil ou moyen de transfert du savoir.

Ce qui est fondamental pour nous, c’est qu’il faut améliorer l’apprentissage de la langue arabe.

Que pensez-vous des attaques virulentes contre cette mesure ?

J’en ai été surprise. Sachez cependant que pour nous ce qui est important sur le plan didactique, c’est la nécessité absolue d’améliorer l’apprentissage de la langue arabe et de valoriser le patrimoine algérien dans le contenu de l’enseignement. Savez-vous que les auteurs algériens sont presque absents des contenus des manuels scolaires.

Il est donc important d’asseoir la dimension algérienne à l’enseignement et revenir aux trois langues : l’arabe, le tamazight et le français.

Selon vous, y a-t-il eu incompréhension ?

Probablement, surtout que la conférence a été intensive et que peut-être nous n’avons pas suffisamment communiqué. De toute façon, aucune décision n’a été prise pour l’instant. Mais le constat établi lors de la conférence est unanime.

La langue arabe est très mal enseignée. Même dans les wilayas du Sud, comme par exemple Adrar, où un nombre important d’enfants fréquente les écoles coraniques, les résultats sont très faibles. Et ce n’est pas par hasard que les échecs sont souvent importants durant le cycle primaire. Il y a donc un grand problème d’ordre didactique et pédagogique.

C’est à partir de ce constat que nous avons décidé de mettre tous les inspecteurs de langue ensemble à Laghouat, pour débattre et arriver à une méthodologie pédagogique. S’il n’y pas de maîtrise de la langue arabe scolaire, il n’y aura pas de réussite, y compris dans les matières scientifiques et les mathématiques.

Nous avons pu identifier toutes les propositions à mettre en œuvre dès la rentrée prochaine. Nous sommes tous convaincus que l’éducation a besoin de s’appuyer sur un véhicule qui est l’arabe scolaire, mais aussi l’élargissement de l’enseignement de tamazight, qui passe de 11 wilayas à 20 à la prochaine rentrée scolaire. Nous avons réuni les wilayas qui ont obtenu de bons résultats et celles qui ont enregistré un taux d’échec important pour favoriser les échanges d’expérience à travers des ateliers pour se placer dans une dimension opérationnelle, afin d’apporter des corrections aux erreurs. Nous ne nous contentons pas de diagnostics. Ensemble, nous réfléchissons à des solutions pédagogiques.
 

Salima Tlemçani (El Watan, 30/07/2015)

Conclusion ? – Les anciens Kabyles disaient : « Toutes les choses ont une limite, sauf l’ignorance ! » La seule question que nous nous posons encore : « Quand l’Algérie des lumières, qui se noie dans la nuit, en sortira-t-elle ? »

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