Publié par : youcefallioui | octobre 13, 2015

2084 – Boualem SANSAL ou le combattant contre la fausse conscience.

Emission Awal – BRTV – Hafid ADNANI

Cher ami Hafid,

Je commencerai par te dire : Bravo !!!! J’ai écouté par trois fois ton entretien avec Boualem SANSAL. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut faire parler (pour que les autres puissent l’écouter) un écrivain de cette hauteur et de cette qualité ! Je venais juste de terminer de lire son dernier livre : 2084, ouvrage monumental qui a fait l’objet de ton entretien (sur BRTV) avec l’auteur.

 

Je l’ai également écouté lors de son passage sur France Inter. J’ai été fort déçu de l’accueil qui lui a été fait par les lecteurs « officiels » de « La librairie francophone ». Une certaine incompréhension de ces lecteurs et lectrices m’a un peu heurté ! Tu as su rétablir l’œuvre dans ce qu’elle recèle de majestueux et de grandiose, encore une fois : Bravo et merci !

 

J’ai lu tous les autres livres de Boualem SANSAL qui sont d’un apport immense tant du point de vue littéraire que psychosociologique et historique. Je recommande notamment le « Petit éloge de la mémoire » (2 euros !!) où l’auteur rend un hommage saisissant à ses ancêtres les Imazighen. C’est réconfortant de lire un grand monsieur comme Sansal. J’ai également lu « Le village allemand » où il est question de la Shoah.

C’est donc lui, bien avant Anouar Benmalek, qui avait traité du sujet d’une façon saisissante et autrement plus singulière…

Dans « Le village allemand », Boualem SANSAL l’a traité de façon magistrale en liant l’histoire de l’Algérie à celle de la Shoah.

Boualem SANSAL demeure, à mes yeux, l’écrivain algérien qui a su faire entrer, à travers son œuvre magistrale, L’Algérie dans un univers des « Chasseurs de lumière ». Sa façon d’écrire surprend par la richesse de sa réflexion qui est simple et limpide, à la portée de tous, qui s’éloigne du haut niveau d’abstraction dont certains auteurs algériens aiment se gargariser.

 Il serait trop long ici de dire tout ce que je ressens en lisant ce grand homme qui possède une plume qui n’a d’égal que son courage et sa détermination face à toutes les réifications. C’est cela-même, 2084 est un roman profondément philosophique qui traite de la réification : le stade ultime de toutes les aliénations.

Avec 2084, le lecteur averti se retrouvera dans un monde en ruines vertigineuses, que l’auteur nous demande de participer à sa sauvegarde… loin de beaucoup d’autres œuvres qui regorgent de ce que les spécialistes de l’aliénation appellent la « pseudologie » : Les limites du vrai et du faux comme celles de la raison et de la folie sont effacées, tout comme celles du Moi et du Monde. Cette confusion dans les répères humains empreints d’ingrédients de paix et de civilisation est encore une forme morbide de la fausse conscience.

Boualem SANSAL demeure dans l’essentiel de ce qu’un amoureux de la littérature – qui porte sur tous les sujets et notamment sur les malheurs du monde – peut espérer. Et de l’espoir, malgré la noirceur des événements et des hommes traités dans son œuvre, il le sème à travers toutes les pages, pourvu que les lecteurs, que nous sommes, puissions comprendre et nous saisir d’une réalité qui ne demande qu’aux hommes et aux femmes de ne pas reculer devant la barbarie et la monstruosité des inclinaisons meurtrières dictées par la fausse conscience des systèmes totalitaires qui veulent réduire l’âme humaine – riche et pleine d’amour – à un tronc sans vie. A travers les pages de 2084, Boualem SANSAL montre un monde réifiant où la pseudologie et la réification peuvent gangréner la terre dans un détraquement qui n’est pas fortuit, mais dans les symptômes  proviennent d’une certaine anonymographie où tous les mensonges – soutenant la haine et la barbarie – sont permis.

Tout est résumé en la page 271

Faut-il pour autant accepter ce monde barbare, inhumain et sans lumière ? L’histoire nous a montré que les hommes ne sont pas à leurs premiers actes barbares… L’histoire ne fait que se renouveler dans l’effroi de génocides où les mots manquent pour décrire toutes les horreurs dont les hommes peuvent se montrer capables… Jusqu’à ce que les Justes réagissent et se lèvent comme un seul homme, comme une seule femme – pareils à des chasseurs de lumière – pour rétablir le soleil vivifiant à travers lequel l’œil humain a besoin de porter l’amour et le respect de son prochain pour vivre en paix en ce bas monde… en vérité le seul paradis qui est offert à l’humanité. Comme disaient les anciens Kabyles : « Tu auras beau durer ô nuit, la lumière finira toujours par jaillir de tes ténèbres ! » (Akken tebghud ghezzifed a yid ; ulaqrar a d-tbin tafat !)

Tant et si bien que « Le serment des barbares » ne sera jamais celui qui s’imposera aux hommes et aux femmes de bonne volonté qui croient qu’il n’y a rien dans Dieu qui puisse excuser la barbarie !

Voilà ma réflexion bien rapide et sans aucun doute incomplète !

Ar tufat, lehna tafat !

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Réponses

  1. D’après votre description et certaines interviews qu’on lui a fait, ce roman ressemble au film Hollywoodien Mad Max .
    Zak

    • Azul a Zakaria !
      Je n’ai pas vu le film dont vous parlez, bien que je sache un peu de quoi il s’agit, car j’avais lu quelques articles qui en parlaient au moment de sa sortie… Il s’agit ici d’une situation ou d’évènements (touchant au monde) qui se rapprochent davantage de ce que Georges Orwel avait écrit dans 1984. Nous ne sommes pas (malheureusement !) dans une saga à l’américaine où un grand héros peut à lui seul renverser le cours des événements… Nous sommes confrontés à une situation beaucoup plus complexe qui relève du plus haut degré de l’aliénation, ce que Joseph Gabel (spécialiste de l’aliénation) avait appelé : LA REIFICATION. Dans 2084 de B. Sansal, nous sommes davantage au niveau psychologique où la pensée est atteinte d’un mal beaucoup plus radical, celui de l’accaparement et de l’envahissement de la pensée libre et libératrice par une autre qui s’inscrit dans un système mortifère et sans voies de recours… Ar tufat, lehna tafat !


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