Publié par : youcefallioui | mars 28, 2018

CROYANCES ET RELIGIONS

CROYANCES ET RELIGIONS

 

Pour mes enfants : Damia Tawes et Améziane Gaya. Afin que le message de vos ancêtres soit à jamais ancré dans votre mémoire.

 Pensée kabyle : « Le mythe est un rite, une énigme qui nous féconde. Qui veut planter un arbre de paix récoltera ses fruits ; qui veut semer le vent de la violence récoltera ses sarcasmes ! Et rien chez le Seigneur Dieu ne te permet de poser un mauvais regard sur ton prochain. »

Pensée kabyle : « Le pays qui t’accueille, c’est ton pays ! »

A travers les mythes et les légendes berbères, c’est toujours la recherche de croyances qui mettent en avant un mieux-être, une relation respectueuse et fraternelle avec les siens et les autres. Un temps, des instants précieux, à ménager, à protéger et à (re)construire. C’est ce souci qui semble se profiler à l’horizon du mythe dit au coin du feu, de l’âtre, dont la clarté de la flamme rappelle la fragilité de ce monde.

De ce monde, dont la lumière peut soudainement disparaître et faire place à un ciel sombre et menaçant dont les foudres peuvent s’abattre soudainement sur des innocents qui ne demandaient qu’à vivre en paix avec ceux qui leur sont chers et dont le sourire les rassure chaque jour qui passe.

Jadis, le mythe semblait refléter la même manifestation, le même souci. Les croyances œuvraient pour le rapprochement des hommes et des femmes. Pour que l’homme devienne supportable à l’homme (et surtout à la femme !, disait ma grand-mère), afin qu’ils apprennent à partager ce qu’ils ont de plus précieux, comme dans le mythe « Le partage » souvent ressassé, comme beaucoup d’autres, par mon défunt père, « le chasseur de lumière » (Aseggad n tafat).

 

Ceci est un mythe, écoutez  et soyez heureux !

A-Macahu ! Tellem cahu !

 

Que les Anciens me pardonnent de le résumer ainsi ! (Laânaya n yizri d-izem  !)

 

« Dans les temps premiers, quand pour la toute première fois l’homme sage reçut son premier repas des mains du Souverain Suprême (Agellid Ameqqwran), il se garda de le manger entièrement. Il mangea seulement la moitié et laissa l’autre moitié de côté. Après l’avoir observé, le Souverain Suprême lui demanda : « Mais pourquoi ne fais-tu point honneur à ton repas ? Tu sais bien que je pourvoies à ta nourriture et que je t’en donnerai un autre quand viendra l’heure de manger ! »

Le vieux sage lui répondit : « Pardonne-moi, ô Souverain Suprême ! Je m’étais dit que si jamais un passager un étranger venait à passer par là, je n’aurais pas de quoi l’honorer. En effet, comment aurai-je le courage de lui montrer mon visage si je n’ai pas un peu de nourriture à lui offrir ? »

Le Maître des Cieux (Bab Igenwan) lui répondit alors : « Tu es de ces hommes qui voudront toujours partager. C’est en votre honneur et en votre nom que je veillerai à ce que la terre ne soit jamais atteinte par la longue nuit et le désastre éternel. C’est en votre visage et aux noms de tous ceux qui vous sont chers que je ferai en sorte que la lumière réapparaisse chaque matin et éblouisse à jamais les jours que vous aurez à vivre. A votre clarté de cœur et de l’âme, j’adjoindrai la lumière du jour et celle de la nuit. »

 

La protection du mythe est pareille à celle du temps ! (Laânaya n yizri d-izem !)

 

Quand on scrute les moindres recoins de la mythologie kabyle, on croit déceler un effort d’adaptation à la nature et à l’autre qui est peut-être différent de soi, mais qui peut être aussi très proche pour peu que l’on veuille bien faire l’effort d’aller vers lui et de l’accepter comme le dit si bien l’énigme de chez nous : « Lui c’est moi, moi c’est lui ; même si nous sommes différents. »

C’est, me semble-t-il, de ce dépassement, de cet affranchissement de soi, de ses propres codes et de ses croyances que prend sa source la mythologie berbère de Kabylie, comme d’ailleurs d’autres mythologies anciennes. Une pensée ancienne kabyle dit : « On peut juger de la civilisation d’un peuple à sa façon de traiter celui qui vient de loin : celui qui a laissé les siens, sa maison et sa terre, l’étranger. »

Ce fut sur cette pensée que les cités kabyles anciennes avaient construit leur droit d’asile. Ce droit qui faisait que l’étranger était sacré et qu’il pouvait disposer du droit d’asile (Laânaya) sans condition aucune dans n’importe quelle cité sur tout le territoire berbère.

Notre mythologie ne refuse pas l’autre. Elle le respecte et elle cherche à le comprendre afin de mieux le protéger. Celui qui la transmet croit toujours conforter ses propres croyances en essayant de comprendre, voire d’adopter celles de son prochain. C’est ainsi qu’il faut comprendre le prosélytisme successif des Berbères, dans un syncrétisme savamment cultivé et revendiqué à jamais.

Ceux et celles qui nous traitent de « mécréants » n’y ont vu là qu’une faiblesse de caractère chez le peuple berbère. A ceux-là, je réponds par un dicton kabyle : « L’âne mange là où il fait ses besoins ! »

La pérennité de ce peuple  (agdud amazigh) et celle de sa pensée, de sa langue et de sa culture démontrent le contraire. C’est ce qui les dérange ! En réalité, en adoptant les croyances venues d’ailleurs, les Berbères ne se sont jamais détachés de celles de leurs ancêtres, les Imazighen.

Cette façon de croire est semblable chez tous les peuples autochtones ou « premiers ». Les Esquimaux, qui avaient embrassé la religion chrétienne, l’expliquent aussi de cette manière : le mythe de Jésus, se sacrifiant pour son peuple, les rapproche de leur mythe à eux où tout grand sage, tout grand homme ou tout grand chef doit se sacrifier pour les siens (nous venons de vivre un pareil exemple).

Mais le mythe est d’abord parole ; il est aussi langue à travers laquelle les croyances (bonnes ou mauvaises) se propagent.

La parole est culture. La culture est peuple. En ce sens que lorsque une langue se meurt, le peuple qui la parle change de nom ou disparaît.

C’est donc grâce à ce syncrétisme revendiqué que les anciens Kabyles disaient : « Si Dieu te réclame ton cœur, donne-le- lui ! S’il te réclame ta terre et ta langue, dis-lui : « Non ! » Car sans ta terre et ta langue, tu n’as ni cœur ni foi ! »

 Le grand philosophe français François Hadot, professeur au collège de France et maître de l’art de vivre dans une société décente et démocratique, disait : « Le bien-être, c’est savoir vivre en pleine conscience, en pleine lucidité, en donnant toute son intensité à chacun de ses instants et un sens à sa vie tout entière. »

C’est à peu de chose près ce que disait mon père : « Notre culture et notre mythologie nous ont appris à vivre dans le respect des autres ; dans le bien-être et la spiritualité en nous mettant en garde contre toutes les oppressions et tous les fanatismes.

C’est pour cela que les Anciens prêtaient serment en s’appuyant sur toutes les croyances (Jjmaâ l_liman). C’est aussi pour cela que les Kabyles disent : « Chaque pays a ses visages, mais Dieu est partout le même. » (Yal tamurt s wudmawen-is, ma d Rebbi yiwen i’gellan.)

 

 

 

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